Tony Sandoval est de ces dessinateurs dont le trait est immédiatement reconnaissable. Il est avant tout illustrateur et a développé un univers graphique qui lui est propre, un univers que l’on peut qualifier de « Burtonien ». Si Le cadavre et le sofa n’est pas sa première BD (Vieille Amérique étant sa première édition en Europe), c’est en tous cas son premier projet personnel en bande dessinée, et on peut le dire, l’album qui l’a révélé. Tony Sandoval nous gratifie de superbes planches plus proches d’œuvres d’art que de cases de BD.
Affiche de Tony Sandoval pour la fête de la BD de Carouge (2012)
« Jusque-là l’été avait été solitaire… »
Polo est un garçon singulier, cet été-là, les « gamins méchants » ne sortent plus de chez eux et ça lui va bien comme ça. Peut-être à cause de la disparition de Christian, un autre garçon du village. Il va faire connaissance de Sophie, une enfant pas moins étonnante qui lui fera passer un été qu’il n’est pas près d’oublié. Plus mature, plus téméraire, elle va l’entrainer sur les traces de la disparition de Christian et des évènements étranges qui surviennent au village, mais aussi à la découverte de l’amour. Finalement, cet été solitaire sera bien rempli pour nos deux héros.
C'est donc l’histoire d’un été peu banal : une parenthèse enchantée pour certains, un drame pour les autres, mais un été pas comme les autres pour tous. Qui a déjà vécu des vacances hors du temps, comme suspendues, rattachées au monde réel que par un fil, presque invisible, se retrouvera forcément dans cette ambiance. Et c’est là la première force de cet album : le fantasme partagé de vivre ou d’avoir vécu d’extraordinaires expériences lors de longues après-midi d’été. On se projette donc volontiers dans nos souvenirs d’enfance…
Les héros ont beau être des adolescents, ceci n’est pas un album pour enfant ! L’intérêt se situe aussi à ce niveau, il y a un certain décalage entre les thèmes abordés et la façon de les traiter. L'amour, le sexe, la cruauté, la violence et la mort sont toujours explorés sans détours mais par de biens jeunes personnages et dans un style qui pourrait très bien convenir à un livre pour chérubins.
"Les défauts rendent les choses plus intéressantes"
C’est sur cette phrase que se lance l’histoire : cette fontaine qui fuit a créé un véritable biotope autour d'elle. Le constat se propage à tout l’album : cet été qui était si lisse et sans saveur va se réveiller avec la disparition d'un enfant du village et la venue d’une jeune fille particulièrement jolie. On se rend compte à quel point cette phrase est universelle : selon la théorie de l’évolution, ce sont de petits défauts (les mutations génétiques) qui ont permis la diversité des êtres vivants. A plus grande échelle encore, ne serait-ce pas un défaut d'antimatière qui créa l'univers ?
Avis à retrouver dans ma chronique :
https://www.bdphile.info/chronique/view/95-le-cadavre-et-le-sofa
Album exeptionel. Humour, finesse et planches artistiques. Un clin d'oeil entre le monde des adultes et des ados. A ne pas manquer.