Scénariste, dessinateur & coloriste de bandes-dessinées franco-belge né à Paris (France) et mort à Paris (France).
René Goscinny est un écrivain, humoriste et scénariste de bande dessinée français, également réalisateur et scénariste de films, et journaliste. Il fut l'un des rédacteurs en chef de Pilote, alors l'un des principaux journaux français de bande dessinée. Créateur d’Astérix, d’Iznogoud et du Petit Nicolas, scénariste de Lucky Luke durant une longue période, il est l’un des auteurs français les plus lus au monde : l’ensemble de son œuvre représente environ 500 millions d’ouvrages vendus
Il a également permis la reconnaissance du métier à part entière de scénariste de bande dessinée qui n’existait pas avant lui2.
René Goscinny a utilisé quelques pseudonymes comme « René Maldecq », « René Macaire », « Agostini », « Liliane d’Orsay ».
René Goscinny est né le 14 août 1926 dans le 5e arrondissement de Paris, originaire d’une famille d’immigrés polonais d'origine juive. Son père, Stanislas « Simkha » Goscinny, est un ingénieur chimiste originaire de Varsovie, fils du rabbin Abraham Gościnny, il s'installe à Paris après la Première Guerre mondiale pour suivre des études d'ingénieur chimiste3. Sa mère, Anna née Bereśniak est issue d'une famille d'éditeurs et doit quitter avec sa famille le village de Khodorov (aujourd'hui Khodoriv situé maintenant en Ukraine), à la suite des pogroms récurrents. La famille s'établit à Paris en 1912, au 12 de la rue Lagrange, où le grand-père maternel de René Goscinny, Lazare Abraham Beresniak, tient une imprimerie à son nom. À l'époque, l'imprimerie Beresniak s'occupe notamment de l'édition de plusieurs des principaux journaux yiddishophones et russophones de Paris, l'entreprise est plus tard reprise par les fils Beresniak qui emploieront une centaine de personnes dans les années 19304.
Stanislas Goscinny et Anna Beresniak se rencontrent à Paris et se marient en 1919. Ils ont d’abord un premier fils, Claude Goscinny, né le 10 décembre 1920N 1. En 1928, deux ans après la naissance de leur fils René, les Goscinny partent pour Buenos Aires, en Argentine, suite au nouveau poste d’ingénieur chimiste que Stanislas trouve là-bas. René Goscinny étudie dans les écoles françaises de la ville. Il passe ses grandes vacances en Uruguay, où il monte à cheval dans la pampa. Il a l’habitude de faire rire ses camarades de classe, probablement pour compenser une timidité naturelle5. Il commence à dessiner très tôt, inspiré par les histoires illustrées comme Zig et Puce, Superman, Tarzan et surtout Les Pieds Nickelés dont il recopie scrupuleusement l'album qu'il ramène de Paris6.
En Europe, la Seconde Guerre mondiale commence. Si sa famille directe est à l’abri en Argentine, une partie de la famille de Goscinny est victime de la Shoah et trois de ses oncles meurent en déportation dans les camps d’Auschwitz et de Pithiviers7. De l’autre côté de l’Atlantique, le 26 décembre 1943, peu après l’obtention de son bac à dix-sept ans, le jeune René Goscinny perd son père des suites d’une hémorragie cérébrale, et se voit obligé de rechercher un travail alors qu'il envisageait d'intégrer l'école des Beaux-Arts, de faire une licence de lettres ou de rentrer en Europe pour intégrer la France libre. L’année suivante, il obtient son premier emploi comme comptable adjoint dans une entreprise de pneumatiques8. Détestant son travail, il démissionne peu après pour devenir dessinateur dans une agence de publicité9. Parallèlement, il publie ses premiers textes et dessins dans Quartier latin, bulletin interne du collège français de Buenos Aires10.
René Goscinny, accompagné de sa mère, quitte l’Argentine pour New York en 1945, afin de rejoindre son oncle Boris, le frère de sa mère. Goscinny devient traducteur dans une firme marocaine d’import-export en attendant de trouver une situation plus stable11. Pour échapper au service militaire américain, et bien qu'on lui ait promis une carte verte et à terme la nationalité américaine, Goscinny part pour la France rejoindre l’armée française en 1946. Il sert à Aubagne, dans le 141e bataillon d’infanterie alpine12. Promu caporal, puis très rapidement caporal-chef, Goscinny devient l’illustrateur officiel du régiment, illustrant menus et affiches. Le général de Lattre de Tassigny amusé par ses illustrations le nommera sergent13. Il prend rapidement conscience après la fin de son service militaire que l'Europe, qui n'est encore qu'un champ de ruines, ne peut rien pour lui, et décide de rentrer à New York rejoindre sa mère14.
Premiers travaux
Rentré à New York, Goscinny veut trouver un métier en relation avec ce qu'il aime le plus, faire rire les autres14. Il frappe aux portes des éditeurs, agences de presse et studios de création avec ses quelques travaux publicitaires réalisés en Argentine et des dessins humoristiques personnels, mais il ne reçoit que des refus. Goscinny traverse alors la période la plus difficile de sa vie. Il reste un an et demi sans emploi, totalement déprimé et vivant aux crochets de sa mère15
À la fin de l'année 1948, il trouve par l'intermédiaire d'un ami français un travail dans un studio de publicité. Il y rencontre Harvey Kurtzman, futur fondateur du magazine Mad, John Severin et Will Elder (selon les sources il pourrait s'agir d'un studio fondé par les trois16). L'année suivante il publie son premier livre intitulé Playtime Stories aux éditions Kunen Publishers. Il s'agit d'un livre-puzzle pour enfants de douze pages où il signe trois histoires : Robin Hood, Pinocchio et Aladin. Par la suite, il signera deux autres livres du même genre qui racontent l'amitié d'un Amérindien et d'un Blanc dans le premier, et d'un cow-boy dans le second17.
Avec l'argent gagné, il part en vacances à Paris. Sur le bateau du retour il rencontre un Français, exportateur de fromages, nommé Jean Monmarson, qui lui apprend qu'un auteur belge de bande dessinée, Jijé s'est installé dans le Connecticut18. C'est par l'intermédiaire de Jijé qu'il rencontre Morris, élève de ce dernier et auteur de la série Lucky Luke. Morris et Goscinny deviennent très vite copains et partent à New York. À l'été 1949, Goscinny travaille pour une société d'édition de cartes postales peintes à la main, mais il se rend souvent dans le Connecticut pour y voir Jijé, qu'il considère aussi bon en bande dessinée que les Américains19. Il y apprend sa méthode pour dessiner, d'abord l'œil, puis la main. Goscinny n'a pas le même talent au dessin que les précédents élèves de Jijé, Morris ou André Franquin, mais Jijé va s'intéresser à son sens du gag et des mots, qualité qui manque beaucoup aux auteurs de bande dessinée européenne. Goscinny sort quatre nouveaux livres pour les enfants intitulés : The Little Red Car, Jolly Jungle, Hello Jimmy, Round the World qui lui donnent l'occasion de dessiner des objets compliqués20.
Retour à Paris
Par l'intermédiaire de Jijé, Goscinny rencontre Georges Troisfontaines, directeur de World Press agency, qui travaille en étroite collaboration avec les éditions Dupuis. À son contact ainsi qu'à celui de Jijé et Morris, Goscinny pense de plus en plus à rentrer définitivement en Europe. En attendant, il essaye de créer seul une bande dessinée qui a pour titre Dick Dicks qui met en scène un détective de police new-yorkais21. Si le dessin est médiocre, mettant en scène notamment des rues de New York vides de passants et de voitures, le scénario compte déjà plusieurs clés de lecture. Après le refus de la BD par tous les journaux et agences de New York, il décide d'envoyer ses planches à Jijé, rentré en Europe, pour qu'il les présente à Charles Dupuis. Mais une erreur d'envoi (les planches arrivent à Juan-les-Pins alors que Jijé est en Belgique, et, qui plus est, elles arrivent dans un mauvais état) fait que les planches ne seront jamais présentées. Goscinny restera fâché pendant une année avec Jijé après cet épisode22.
Lors d'une visite à New York, Georges Troisfontaines lui avait dit de passer le voir à Bruxelles. Goscinny le prend au mot et après le renvoi de ses planches par Jijé, il prend le bateau pour l'Europe. Il est reçu dans l'agence par Jean-Michel Charlier, alors directeur artistique23, qui bien qu'il n'ait pas de travail pour lui, consulte quand même les planches de Dick Dicks. Enthousiasmé par le scénario (moins par le dessin), il convainc Georges Troisfontaines de l'engager24. Celui-ci l'envoie chez son associé et beau-frère, Yvan Chéron qui fait publier Dick Dicks dans le supplément du magazine La Wallonie25.
Durant l'hiver 1951, la World Press ouvre un bureau sur les Champs-Élysées à Paris. Goscinny y est envoyé pour travailler sur sa série. Il y rencontre Albert Uderzo, employé lui aussi par la World Press et qui dessine la série Belloy sur un scénario de Jean-Michel Charlier26. Rapidement, ils vont travailler ensemble, d'abord pour l'hebdomadaire belge Bonnes Soirées où ils publient une chronique humoristique illustrée intitulée Sa Majesté mon mari27. Goscinny y signe « la Fidèle Admiratrice de Sa Majesté », qui connaîtra deux cents épisodes. Puis ils s'occupent de la rubrique savoir-vivre du même hebdomadaire, sous le pseudonyme de Liliane d'Orsay (réutilisé une dizaine d'années plus tard par Pierre Desproges, dans le même magazine, pour la rubrique courrier du cœur). Recevant régulièrement du courrier de femmes chics qui le félicitent pour ses bonnes manières, il répond un jour grossièrement (plus ou moins selon les versions) à l'une d'elle et sera renvoyé de l'hebdomadaire28.
En 1955, Goscinny, Jean-Michel Charlier et Uderzo tentent de monter un syndicat au sein de la World Press afin que les dessinateurs soient considérés comme les propriétaires de leurs œuvres, et non les éditeurs. Goscinny, suspecté d’avoir fomenté ce mouvement, est licencié de l’agence de presse29. Charlier, Uderzo et Jean Hébrard l’accompagnent par solidarité et fondent le syndicat d’édition Edipress/Edifrance. À la même époque, Goscinny abandonne progressivement le dessin pour se consacrer exclusivement à l'écriture. Goscinny et Uderzo coopèrent également sur Bill Blanchart dans Jeannot, Jehan Pistolet dans Pistolin et Benjamin et Benjamine dans le magazine du même nom. Sous le pseudonyme d’Agostini, Goscinny écrit Le Petit Nicolas pour Jean-Jacques Sempé dans Le Moustique et plus tard dans Sud Ouest, puis Pilote.
Goscinny est également scénariste et dessinateur du Capitaine Bibobu, série parue en 1955 dans l’éphémère hebdomadaire en couleurs au format journal Risque-Tout30.
En 1955, René Goscinny collabore à la création du journal Pistolin, dont il est avec Jean-Michel Charlier le corédacteur en chef. Le journal vendu uniquement par abonnement est financé par la marque de chocolat Pupier. Connaissant deux publications mensuelles, le premier numéro sort en février 1955. Goscinny crée à cette occasion le personnage de Pistolin, (dessiné par Victor Hubinon, ce dernier signe la série du pseudonyme Victor Hugues). En janvier 1958, le no 72 annonce un passage au format de poche et devient mensuel. En avril 1958 parait en double numérotation le volume 73/74. Après six numéros de cette nouvelle formule, le « journal » disparait définitivement avec le no 83/84. René Goscinny considérait que le journal Pistolin était le précurseur du journal Pilote31.
Le 6 septembre 1956, Goscinny est contacté par André Fernez, le rédacteur en chef du Journal de Tintin. Ce dernier a en effet entendu parler de la « réputation de scénariste et d’humoriste32 » de Goscinny et souhaite travailler avec lui pour redonner au journal la pointe d’humour qui lui manque pour rivaliser avec le Journal de Spirou33. L’auteur démarre alors une fructueuse collaboration avec le Journal de Tintin. Il collabore avec de nombreux auteurs :
Jo Angenot (Mottie la marmotte) ;
Dino Attanasio (Signor Spaghetti) ;
Jo-El Azara (Paco Marmota) ;
Berck (Strapontin) ;
Noël Bissot (Coccinelle) ;
Paul Coutant (Kenott et Futé) ;
André Franquin (Modeste et Pompon) ;
Raymond Macherot (Klaxon et Le Père la Houle et les petits bateaux) ;
Maurice Maréchal (Prudence Petitpas) ;
Bob De Moor (Monsieur Tric) ;
Rol (Wa-Pi-Ti, enfant scalpeur et Oscar Baudruche mène l’enquête) ;
Albert Uderzo (Oumpah-Pah de 1958 à 1962, Poussin et Poussif, La Famille Moutonet, puis La Famille Cokalane) ;
Tibet (un synopsis de Chick Bill34, ainsi que Globul le martien et Alphonse) ;
Albert Weinberg (Le professeur est distrait).
En complément, Goscinny participe au magazine Paris-Flirt et collabore avec Morris sur Lucky Luke (1955-1977).
Parallèlement, il rédige pour Jours de France le scénario et les gags des Aventures du docteur Gaudeamus, dessinées par Coq. Cette série destinée à des adultes lui permet de brocarder avec humour le snobisme parisien.
Goscinny gardera de cette collaboration à Tintin « le souvenir d’un travail gigantesque35 ».
Pilote et Astérix
En 1959, les éditions Édifrance/Édipresse lancent le magazine Pilote. Goscinny devient un des écrivains les plus productifs pour le magazine. Dans la première édition, il lance, avec Albert Uderzo, son compagnon de « besogne de la futilité »36, sa plus fameuse création, Astérix, dont les noms des deux héros trouvent leur origine dans l'atelier typographique de son grand-père : astérisque et obèle.
Il fait de Pilote un magazine pour adolescents, publiant des bandes dessinées plus inventives et libérées que celles de la presse pour enfants.
Goscinny reprend également l’écriture du Petit Nicolas et de Jehan Pistolet, maintenant appelé Jehan Soupolet.
Pilote est acheté par Georges Dargaud en 1960. Goscinny en sera le rédacteur en chef de 1963 à 1974. Il commence de nouvelles séries :
Les Divagations de Monsieur Sait-Tout avec Martial ;
La Potachologie Illustrée et Le Potache est servi avec Cabu ;
Les Dingodossiers avec Gotlib de 1965 à 1967 ;
La Forêt de Chênebeau avec Mic Delinx ;
Iznogoud avec Jean Tabary de 1962 à 1977. Cette série fut commencée dans le magazine Record sous le titre Les Aventures du calife Haroun-el-Poussah.
Il se marie à Gilberte Pollaro-Millo en 1967. En 1968 naît sa fille Anne, devenue écrivaine.
En 1975, le scénario du Maître du Monde est l’occasion d’une triste mésaventure. Après l’avoir envoyé à Peter Sellers en lui demandant s’il est intéressé par le rôle principal, Goscinny ne reçoit aucune réponse de l’acteur anglais. Mais il constate l’année suivante que Quand la panthère rose s'emmêle, film de Blake Edwards avec… Peter Sellers, s’inspire directement de son histoire. Une plainte pour plagiat est déposée, mais la mort du scénariste éteindra la procédure.
Mort
Tombe de René Goscinny au cimetière du Château à Nice.
Goscinny est victime d’une crise cardiaque le 5 novembre 1977, alors qu'il se livrait à une épreuve d’effort de routine sur un vélo d'appartement37. Transporté à la clinique de la rue de Chazelles à Paris, il meurt à l’âge de 51 ans. Il est enterré au carré juif du cimetière du château, à Nice38.
Après la mort de Goscinny, Uderzo continue seul Astérix tout en signant par respect pour sa mémoire les albums de leurs deux noms. Les aventures d'Astérix réalisées par Uderzo seul ne font pas l'unanimité, divers critiques jugeant que la série a beaucoup souffert, sur le plan qualitatif, de la disparition de Goscinny39. Le succès commercial de la série et le marketing qui l'accompagne ne faiblissent cependant pas, au contraire. Avec 107 langues et dialectes traduits dans le monde entier, Astérix est la bande dessinée la plus traduite au monde40.
Récompenses
En 1964, il reçoit le Prix Alphonse Allais de l’humour, pour Le Petit Nicolas et les copains, paru l’année précédente41.
Nommé chevalier des Arts et Lettres par le gouvernement français en 1967.
Nommé chevalier de l’ordre national du Mérite.
Le village de Saint-André-sur-Orne, dans le Calvados, abrite l’école primaire René-Goscinny (depuis 1992).
Le village de Ceaucé, dans l’Orne, abrite le collège René-Goscinny42.
La commune de Sainte-Luce-sur-Loire, dans la Loire-Atlantique, abrite la médiathèque René-Goscinny.
Cannes abrite deux écoles René-Goscinny (écoles René-Goscinny I et II) et une maternelle René-Goscinny.
Le lycée français de Varsovie, seul établissement scolaire français de Pologne, a été baptisé lycée René-Goscinny, en raison des origines polonaises du scénariste. Le 25 septembre 2013, devant les élèves rassemblés, un buste de René Goscinny, œuvre du scuplteur polonais Jacek Kowalski, y a été inauguré43, en présence de sa fille, Anne Goscinny, de Pierre Buhler, ambassadeur de France en Pologne, de Henryk Woźniakowski, président de la maison d'édition polonaise Znak, et d'Aymar du Chatenet, directeur d'IMAV Editions. Il s'agit de la première statue de René Goscinny au monde.
La ville de Valdoie, dans le Territoire de Belfort, abrite le collège René-Goscinny.
La ville de Vaires-sur-Marne, en Seine-et-Marne, abrite le collège René-Goscinny.
En octobre 2007, l’école du centre-ville de Divion a été renommée « école René-Goscinny ». Ce nom a été choisi par les enfants eux-mêmes et le baptême s’est déroulé en présence d'Anne Goscinny, fille du scénariste.
Le 4 octobre 2008, ce fut au tour de l’école d'Auzeville-Tolosane, dans la Haute-Garonne, d’être baptisée René-Goscinny. Sa fille y prononça un discours poignant, retraçant sa relation avec son père ; pour elle, il était un « chercheur d’idées ». Là encore, le choix fut celui des enfants, à partir d’une liste d’une trentaine d’auteurs44.
La commune de Drap, dans les Alpes-Maritimes, abrite un lycée René-Goscinny depuis novembre 2012. Anne Goscinny a cédé le terrain sur lequel il a été construit45.
La ville de Torcy a baptisé une de ses rues du nom de l'artiste.