Scénariste, dessinateur & coloriste de bandes-dessinées franco-belge né à Fismes (France) et mort à Neuilly (France).
Albert Uderzo, né Alberto Aleandro Uderzo le 25 avril 1927 à Fismes dans la Marne, est un dessinateur et scénariste de bande dessinée français d'origine italienne. Il est le créateur, avec le scénariste René Goscinny, de la série Astérix.
lbert Uderzo naît au sein d'une famille d'immigrés italiens. Il est naturalisé français en 19343. C'est en lisant Mickey Mouse, publié à l'époque dans Le Petit Parisien, qu'il découvre la bande dessinée. Son frère Bruno, convaincu de son talent, le pousse à proposer ses services à un éditeur parisien ; c'est ainsi que, pendant la guerre, il est embauché comme « grouillot » par la Société parisienne d'édition (SPE). Engagé pour quelques semaines, il reste finalement un an à la SPE et y apprend les bases du métier : le lettrage, le calibrage d'un texte, la retouche d'image. Il côtoie notamment Calvo, qui fait figure pour lui de maître et l'encourage à persister dans le dessin. En 1941, il publie dans le supplément Boum de l'hebdomadaire Junior, édité par la SPE, une illustration pastichant « Le Corbeau et le Renard » : c'est son premier dessin publié4. En 1945, Uderzo travaille dans un studio d'animation qui produit un court-métrage, Carbur et Clic-Clac : déçu par l'expérience et par le résultat final, il décide de ne pas persévérer dans le dessin animé. Dans le même temps, le patron du studio, qui désire se lancer dans l'édition, lui confie l'illustration d'un fascicule en bande dessinée, Flamberge, gentilhomme gascon : cette aventure de cape et d'épée, dessinée dans un style humoristique, est la première histoire complète publiée par Uderzo. Le dessinateur considère, a posteriori, ses débuts comme « peu prometteurs »5. En 1946, il remporte un concours qui lui permet de publier, aux Éditions du Chêne, un recueil de gags mettant en scène un nouveau personnage, Clopinard : grâce au salaire reçu à cette occasion, il réussit à convaincre son père qu'il peut espérer vivre de son métier de dessinateur. Dès la fin des années 1940, Uderzo travaille énormément : il illustre des romans et des pages d'actualité, et publie des histoires dans différents journaux, créant des personnages comme Zidore l'homme macaque (une parodie de Tarzan) ou Clodo et son oie. Pour l'hebdomadaire OK, il crée une série de héros à la musculature surdéveloppée, qui évoluent dans un Moyen Âge de fantaisie : d'abord le personnage de Arys Buck, puis de son fils le prince Rollin. Très influencé par la bande dessinée américaine, Uderzo signe à l'époque Al Uderzo. Arys Buck et Rollin ne vivent, l'un et l'autre, que le temps d'une unique aventure : Belloy, qu'Uderzo crée dans la même veine, devient au contraire le héros d'une véritable série publiée dans OK puis dans d'autres journaux, l'auteur étant cette fois suffisamment satisfait de sa création pour s'y attacher6.
OK cesse de paraître pendant qu'Uderzo fait son service militaire. Une fois démobilisé, le dessinateur doit proposer ses services à d'autres éditeurs. Ne retrouvant pas de travail dans l'édition pour la jeunesse, il tente sa chance du côté de la presse pour adultes. Uderzo réalise ainsi des dessins de pages d'actualités dans France Dimanche, pour lequel il réalise également des reportages qui consistent à prendre sur le vif des croquis d'évènements divers ; il collabore quotidiennement à France-Soir avec Paul Gordeaux en illustrant des bandes dessinées verticales Le Crime ne paie pas et Les Amours célèbres. Il propose également ses services en Belgique, où paraissent de nombreux illustrés pour la jeunesse. Par l'intermédiaire d'une agence parisienne, Uderzo réalise pour un éditeur belge une aventure de Capitaine Marvel Jr., personnage d'une bande dessinée américaine dont il ne connaît pas grand-chose, et dont les Belges ont alors acheté aux Américains les droits pour l'Europe : l'histoire paraît en 1950 dans le journal belge Bravo !.
En 1950, séjournant à Bruxelles pour y proposer ses dessins, il fait la connaissance de Victor Hubinon, Eddy Paape et Mitacq ainsi que du scénariste Jean-Michel Charlier, avec qui il réalise de nouvelles aventures de Belloy. C'est à cette époque qu'il rencontre le scénariste avec lequel il travaille le plus durant sa carrière : René Goscinny. Leur première collaboration est une rubrique de savoir-vivre, publiée dans l'hebdomadaire féminin Bonnes Soirées. Goscinny et Uderzo créent le personnage d'Oumpah-Pah le peau-rouge, dont ils tentent, sans succès, de vendre les aventures à des éditeurs américains. Le personnage ne trouve d'acquéreur ni aux États-Unis ni en France et ce n'est que plusieurs années plus tard qu'il est publié, dans une version remise à jour, dans les pages de Tintin. Les deux auteurs publient ensuite dans Junior les séries Jehan Pistolet et Luc Junior.
En 1955, avec Jean-Michel Charlier, Goscinny et Jean Hébrard, Uderzo fonde un syndicat, scindé en deux agences distinctes : Edifrance et Edipresse. Il continue de produire des planches en abondance : Benjamin et Benjamine et Bill Blanchard (avec Goscinny), pour La Libre junior, Clairette (avec Charlier), La Diligence de Santa-Fe (Une aventure de Jim Flokers, avec Jean-Michel Charlier, en 19577).... Les auteurs livrent beaucoup de travaux de commande. Uderzo explique par la suite : « À cette époque-là, on faisait n'importe quoi pour subsister. On m'aurait demandé d'illustrer le Bottin que je l'aurais fait... »8.
En 1957, Goscinny, désormais bien introduit à Tintin comme scénariste polyvalent, recommande Uderzo à la direction de ce journal. Poussin et Poussif, éphémère série dont les deux compères publient en 1957 trois épisodes dans Tintin, permet au duo de passer à la vitesse supérieure : le rédacteur en chef André Fernez apprécie tant les planches qu'il demande à Goscinny de mettre en chantier une histoire à suivre, « où notre ami Uderzo pourrait déployer son remarquable talent ». Goscinny et Uderzo en profitent pour reproposer leur Oumpah-Pah qui devient, en 1958, leur première grande série en commun8.
Uderzo s'installe en janvier 1958 dans une HLM neuve au 3e étage du 3, rue Rameau à Bobigny (actuelle Seine-Saint-Denis), où une plaque a été inaugurée en octobre 2009 pour fêter le cinquantenaire de l'invention d'Astérix. Coïncidence : la rue Rameau est proche de la rue d'Alesia où se trouve une grande nécropole gauloise, alors que les Uderzo habitaient auparavant chaussée Jules César à Eaubonne9.
En 1959, Uderzo participe au lancement de Pilote en illustrant deux de ses séries-phares : Tanguy et Laverdure, série d'aviation réaliste scénarisée par Charlier et Astérix, série humoristique scénarisée par Goscinny. La première histoire de cette nouvelle série, Astérix le Gaulois, paraît à partir d'octobre 1959 dans Pilote, avant d'être publiée en album en 1961. Astérix attire un nombre croissant de lecteurs, devenant bientôt l'un des plus importants succès de la bande dessinée francophone. Au cours des années 1960, Uderzo abandonne progressivement toutes ses autres séries, pour se concentrer exclusivement à sa principale création. La charge de travail demandée par Pilote et Astérix étant de plus en plus importante, Goscinny et lui finissent par renoncer en 1962 à leur collaboration à Tintin, abandonnant Oumpah-Pah8. Uderzo cesse ensuite en 1968 d'illustrer Tanguy et Laverdure : Jijé lui succède au dessin de cette dernière série. En 1967, Uderzo déménage à Neuilly-sur-Seine9.
Avec Goscinny, tout en réalisant environ une histoire par an, il supervise attentivement le développement des produits dérivés (des figurines en latex aux spin-offs Idéfix). En 1974, les deux auteurs créent les Studios Idéfix, afin de contrôler l'adaptation en dessin animé des aventures du Gaulois.
La mort de Goscinny, en 1977, bouleverse profondément Uderzo (il dira plus tard qu'il est resté assis 24 heures ou 48 heures après avoir appris la nouvelle) qui décide pourtant de poursuivre Astérix. Son premier album réalisé en solo, Le Grand Fossé, paraît en 1980 chez Albert René, maison d'édition qu'il crée suite à un contentieux avec DargaudNote 1 et qui a longtemps été dirigée par sa fille, Sylvie Uderzo10 (jusqu'en 2007).
Dès le départ, Uderzo se heurte à des critiques bien que ses premiers scénarios se rapprochent de ceux de Goscinny, en conservant ce ton et cet humour propres à la série ; la qualité est plus contestée autour des années 200011. Le public, lui, continue de plébisciter la série, dont les derniers albums parus sont les plus gros tirages de l'histoire de la bande dessinée européenneNote 2.
Capable de dessiner dans des styles très différents (du réalisme de Tanguy et Laverdure au semi réalisme d'Astérix), son grand sens du gag visuel complétait parfaitement les talents d'humoriste de René Goscinny.
À l'instar de Franquin, ses personnages sont très expressifs et dotés d'une gestuelle travaillée qui vient en partie de l'intérêt d'Uderzo pour le dessin d'animation. Il reste une référence incontournable pour les dessinateurs et animateurs actuels comme Juanjo Guarnido (Blacksad).
Il a réalisé les dessins du film L'Avare, sorti en 1980, avec pour vedette Louis de Funès. En 1996, vingt-six auteurs lui rendent hommage dans Uderzo croqué par ses amis.
Il a donné son nom à un prix de bande dessinée : les Prix Albert-Uderzo.
Albert Uderzo est daltonien (il ne distingue pas le rouge et le vert). La mise en couleurs des albums d'Astérix a été assurée pendant plusieurs années par son frère Marcel Uderzo. Il est né avec douze doigts, six à chaque main et a été opéré12,13. Avec le temps, des problèmes d'articulations aux mains ne lui permettent plus d'encrer ses planches lui-même, et l'obligent à confier ce travail à des assistants14.
Dans les années 1990, Uderzo et les ayants droit de Goscinny se lancent dans une procédure judiciaire contre les éditions Dargaud, toujours éditrice des premiers albums d'Astérix, l'enjeu principal étant l'attribution des recettes réalisées par la vente des albums à l'étranger. En 1998, Dargaud perd définitivement les droits sur les 24 premiers albums d'Astérix. Uderzo confie les droits à Hachette, diffuseur-distributeur des Éditions Albert René. À compter des années 2000, un litige oppose Uderzo à sa fille Sylvie, gérante et co-actionnaire d'Albert René ; l'auteur retire finalement à sa fille la gestion de la société éditrice. En 2008, Uderzo et Anne Goscinny vendent leurs parts d'Albert René à Hachette, qui acquiert ainsi le contrôle de l'exploitation de l'univers d'Astérix. Uderzo déclare avoir voulu garantir l'avenir de l’œuvre créée avec Goscinny, en la confiant à un gestionnaire neutre15. Un long litige judiciaire autour du patrimoine d'Astérix oppose par ailleurs Uderzo à sa fille Sylvie et à l'époux de cette dernière16.
Après avoir un temps envisagé qu'Astérix s'arrête après lui, Uderzo décide finalement de confier la série, de son vivant, à une nouvelle équipe d'auteurs. En 2013 sort Astérix chez les Pictes, scénarisé par Jean-Yves Ferri et dessiné par Didier Conrad ; Uderzo n'a collaboré qu'à la couverture, en y dessinant Obélix.