Peu avant l’an 2000, Siné a soudain ressenti l’irrésistible envie de raconter sa vie. Il a commencé à rédiger à la main ses Mémoires — d’abord publiées en fascicules sous le titre Ma vie, mon œuvre, mon cul —, amplement illustrées de dessins nouveaux et anciens, de photographies, de documents, de vignettes.
Dans un style truculent inimitable, il s’est livré tel qu’en lui-même, héros féroce et drôle d’une époque pleine de larmes et de sang. On y retrouve le virtuose de l’humour noir, le pourfendeur des puissants et de leurs serviteurs — militaires, policiers, juges et prêtres —, premier dessinateur à dénoncer la torture lors de la guerre d’Algérie ; on y croise des personnages légendaires et controversés, tels que Fidel Castro, Malcolm X et Jean Genet ; on y découvre aussi un être délicat et tendre qui nous fait revivre les ravissements de l’enfance et les émois de la puberté, avant d’exprimer sans tabous les révoltes de l’homme épris de justice.
Satiriste de génie, il a inspiré de nombreux dessinateurs par son insolence, sa franchise, sa liberté de penser, son humour, sans oublier l’efficacité redoutable de son trait. Jacques Prévert voyait dans ses excès de « gentils minois d’assassinat », tandis que Marcel Aymé y relevait « une cruauté insistante qui fait penser à celle de l’enfance, et qui n’est d’ailleurs pas dépourvue de gentillesse et de candeur ».
Issu lui-même d’un milieu modeste, Siné ne s’est pas trompé de cible ; il n’a jamais méprisé ni moqué les gens du peuple. Il riait avec eux et ils riaient avec lui de la prétention des petits monarques, des bien-pensants et des imbéciles de tout acabit. Sa renommée est née de là ; elle perdure aujourd’hui.
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