P aris, mai 68. Le pays est en ébullition et, pour Charles, cette vaine agitation achève de lui faire sentir combien il est peu à sa place dans cette société française sinistre et compassée. Lui qui vivotait de petites escroqueries et de menus trafics part ainsi au Liban rejoindre un pote au service d’un mafieux local. Il s’intègre vite dans le clan, se lie – jusqu’à épouser sa fille – avec un producteur de haschich, trempe dans le négoce d’armes, mais pour avoir un peu trop fricoté avec la femme du patron, il se voit contraint de fuir précipitamment Beyrouth pour Istanbul. Il y découvre alors une faune bigarrée de hippies en rupture de ban, et y dresse déjà l’amer constat des ravages de la drogue. Les autorités turques entreprenant de refermer cette parenthèse permissive qui avait attiré là la jeunesse déboussolée de toute l’Europe, Charles et ses nouveaux amis montent une juteuse arnaque pour financer la poursuite du périple vers l’Est. Drames, amours, épreuves seront au rendez-vous…
Transposant l’épais roman éponyme de Charles Duchaussois, les auteurs ont choisi de se concentrer sur l’aspect aventureux de cette biographie. Aventure intérieure, notamment le combat contre la dépendance, dans ce qui sera le second volume de cette adaptation. Mais péripéties bien plus réelles d'abord, mortellement dangereuses parfois, dans cette folle équipée menant le héros de Paris à Bombay. Le soin apporté au découpage du scénario est tangible : dès les premières pages, le rythme est soutenu et l’action happe le lecteur pour ne plus le lâcher. En marge de l’intrigue se dessine pourtant le portrait – sans complaisance – du personnage central et celui d’une époque révolue, de cette invraisemblable odyssée ayant jeté sur les routes les adeptes du flower-power, cette poignante utopie drainant jeunes gens de tous horizons vers Katmandou, en quête d’amour libre et de drogues bon marché.
Pour accompagner Thomas Kotlarek, nouveau venu dans le monde des bulles, on trouve au crayon Jef (9/11), alias Jean-François Martinez (L’épée noire du Pentaskel), pour une mise en images collant parfaitement au contenu. Bien que parsemés de petits défauts techniques, perspectives hasardeuses, proportions maladroites et autres attitudes un peu raides, le dynamisme des compositions, la pertinence des cadrages et la justesse des couleurs emportent le morceau, et c’est presque malgré lui que le lecteur se retrouve à tourner fébrilement les pages, entraîné par la force du sujet. Quitte, pour le coup, à ne pas remarquer les nombreuses références (cinématographiques ou picturales) émaillant le dessin. Le trait est fin, détaillé, les ombres posées au lavis donnant un côté naturaliste au graphisme. Les décors orientaux, éminemment évocateurs, démontrent un soigneux travail de documentation.
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