Un peu ancienne déjà, cette chronique suit l’évolution de l’héritage de Hergé depuis 1983. Elle retrace la liquidation de son studio de production, l’éclatement de son équipe de collaborateurs, les choix de ses conseillers et de sa veuve. Les ayant-droits se sont divisés voire opposés avec violence en fonction de leurs intérêts économiques — la commercialisation de produits dérivés — et du respect qu’ils éprouvaient pour l’œuvre même. Le récit de Hugues Dayez possède la matière d’une saga de grande famille : entre la veuve mystique, l’associé roublard, le commentateur avisé mais impuissant et le gestionnaire sans scrupule, tous les éléments sont rassemblés. Mais l’ensemble n’atteint jamais à l’épique : les boutiquiers semblent manquer de souffle. Dayez dessine avec alacrité les portraits des protagonistes. Certains le fascinent manifestement ; d’autres, par contre, trouvent difficilement grâce à ses yeux, comme Nick Rodwell, le second mari de la deuxième épouse de Hergé. Curieusement, la décision courageuse du couple Rodwell de laisser Pierre Assouline puiser librement dans leurs archives ne suscite pas l’enthousiasme de Dayez, qui qualifie la monumentale biographie du critique français d’œuvre « d’un historien, d’un technicien de la biographie et pas celle d’un tintinophile de la première heure » (p. 116). L’argument, on en conviendra, est faible. Reste que ce récit un peu sordide est fondé sur une documentation intéressante : loin de Hergé et de son œuvre, il souligne à quel point la présence de l’œuvre d’Hergé dans les mémoires est à présent tributaire des choix économiques et personnels des héritiers.
Les héritages, un vrai panier de crabe dans presque toutes les familles. Alors, lorsqu'il s'agit des droits liés à Tintin, cela devient vite très laid. Hugues Dayez retrace les événements entourant ce lourd héritage, depuis la mort d'Hergé jusqu'à la fin du XXème siècle, et ce faisant il n'a pas du se faire que des amis.
Cet ouvrage date à présent d'une quinzaine d'années (c'est-à-dire presque autant qu'il s'en était écoulé depuis le décès d'Hergé jusqu'à la publication de ce livre). Malgré cela, sa lecture reste intéressante, voire très actuelle au vu des discussions qui semblent refaire surface régulièrement quant à la nécessité de relancer la franchise Tintin.
C'est également un livre qui éclaircit (autant que faire se peut) quelques-unes des zones d'ombre entourant toujours les droits liés à Tintin. Interdictions et diktats pas toujours cohérents de Moulinsart au sujet d'expositions dédiées à Hergé et à son oeuvre sont toujours monnaie courante, certaines de leurs racines sont exposées dans les pages de "Tintin et les héritiers".
Ça sent un peu le règlement de comptes? Oui. Un tel ouvrage peut-il être réellement objectif? Probablement non. D'autre part, certains des intéressés ayant refusé de fournir leur propre point de vue au journaliste, ils ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes.
C'est une histoire laide, mais si vous vous intéressez vraiment à Hergé, à son oeuvre et à ce qu'elle est devenue, incontournable. J'enlève juste une étoile au vu de son intérêt limité pour un public plus large.