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Brancusi contre États-Unis Broché – Illustré, 6 janvier 2023
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1927, un procès ubuesque se tient à New York. Avocats, témoins, experts et artistes débattent pour savoir si le travail de Constantin Brancusi doit être considéré comme de l’art.?En écho, à Paris, le sculpteur et ses contemporains doutent. Le travail de Brancusi est-il à la hauteur face au génie de l’artisanat et de l’industrie ? Le nouveau continent a-t-il les épaules pour jouer le rôle central dans l’art moderne que l’histoire lui impose désormais ?
- Nombre de pages de l'édition imprimée128 pages
- LangueFrançais
- ÉditeurDARGAUD
- Date de publication6 janvier 2023
- Dimensions21.4 x 1.8 x 28.5 cm
- ISBN-102205202340
- ISBN-13978-2205202342
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Description du produit
Biographie de l'auteur
Détails sur le produit
- Éditeur : DARGAUD; Illustrated édition (6 janvier 2023)
- Langue : Français
- Broché : 128 pages
- ISBN-10 : 2205202340
- ISBN-13 : 978-2205202342
- Poids de l'article : 730 g
- Dimensions : 21.4 x 1.8 x 28.5 cm
- Classement des meilleures ventes d'Amazon : 153 841 en Livres (Voir les 100 premiers en Livres)
- 1 122 en Bandes dessinées historiques
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- Avis laissé en France le 16 juillet 2023Le dessin est particulièrement réussi qui utilise les surfaces sans tracés de contour et avec une grande liberté graphique qui donne une grande expressivité au récit . Ce dernier traite du conflit et du procès , entre autre , du sculpteur d'origine roumaine et naturalisé français Brancusi au début du XXI siècle . Le style graphique adopté est donc bien en accord avec le propos puisque Brancusi allie à la fois une forme de figuration simplifiée et des formes épurées et géométriques dans son travail . Une belle réussite . J' espère que ce dessinateur oeuvrera à nouveau bientôt sur de nouveaux projets , son talent le mérite .
- Avis laissé en France le 13 avril 2023ok
- Avis laissé en France le 2 septembre 2023En refermant cette BD je me suis souvenue de ce reproche, à peine voilé, de Constantin Brancusi, à ses contemporains :
« Vous ne pouvez, hélas, pas encore vous rendre compte [de la valeur] de ce que je vous laisse » (Nici nu vă puteți încă da seama de ceea ce vă las eu).
Dans ce plaidoyer pour la liberté d’expression artistique, Arnaud Nebbache se montre très habile à condenser la vie de Bancusi, les préoccupations de son époque et le procès historique. Il s’est très bien documenté et a opté pour un graphisme à mon sens très original, en tout cas très personnel.
Comme il le déclare au journal L’Express, il utilise « une technique numérique pouvant s’apparenter au pochoir et à la sérigraphie par les quatre aplats de couleurs choisis pour guider chaque séquence du récit ».
Le dessinateur précise encore : « Pour rendre le procès moins froid, j’ai pris la liberté de le faire vivre à travers les yeux et la main de Marcel Duchamp ; on sait qu’il joua un rôle essentiel de médiateur mais rien n’indique qu’il a assisté à l’intégralité des débats ou en a réalisé des croquis ».
J’ai beaucoup apprécié le début de la BD, l’entrée en matière, avec ses renvois au passé de Brancusi : page 11, une belle référence, dans la bouche d’Edward Steinchen (« Dis surtout qu’il te fait de l’ombre ! ») à la célèbre phrase prononcée par Brancusi au sujet de son ancien maître Auguste Rodin : « Il ne pousse rien sous les grands arbres » et pages 23-25, la présence d’une autre artiste d’origine roumaine, Lizica Codréano.
Un véritable coup de cœur pour cette BD, que j’ai un peu boudée au début, à cause de son graphisme, incompréhensible lorsqu’on juge sur un simple échantillon de quelques cases.
- Avis laissé en France le 27 mars 2023Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. La première publication date de 2023. Il a entièrement été réalisé par Arnaud Nebbache, scénario, dessins, couleurs. Elle comprend cent-vingt pages de bandes dessinées.
Fin 1906 ou début 1907, Constantin Brâncuși travaille dans l’atelier d’Auguste Rodin à Meudon : il y étudie et il participe à la réalisation de moulage pour ses sculptures. Un jour, il est appelé par le maître dans le statuaire. Le sculpteur lui explique l’enjeu. Il lui demande de regarder ces statues de danseurs, d’observer, car il faut saisir le geste vrai. Saisir le geste au plus près de la vérité du mouvement. C’est la transition d’une attitude à une autre qu’il faut voir. Brâncuși doit transmettre ce mouvement. C’est la relation du corps à l’espace qui l’environne. Il faut sentir l’air qui les entoure, inspirer. Il faut jouer avec la résistance de l’air, il faut le déplacer. C’est dans cet espace que la figure doit se déployer. Il faut sentir cet espace. Dans l’espace, la figure doit se révéler, s’élever, se brandir, s’envoler. C’est dans le ciel qu’il faut regarder. On ne peut pas faire de la sculpture en regardant la Terre. Il faut voir plus loin ! L’instant d’après, la figure est dans l’air. Alors, c’est l’air autour de soi qu’on sculpte. C’est l’air autour qui est la matière. C’est l’espace qui doit être sculpté. Après cette leçon à laquelle se sont joints les autres apprentis de l’atelier, Brâncuși sort dans le grand jardin, avec un bras de statue sous le sien. Il y retrouve Edward Steichen en train de s’exercer à la photographie. Ils discutent ensemble. Le sculpteur se demande comment il peut s’accomplir dans son métier, caché derrière ce vieux chêne de Rodin. Son ami lui conseille d’être patient et moins arrogant. Rodin a sûrement encore beaucoup de choses à lui apprendre. Son interlocuteur lui répond qu’il est bien décidé à partir : dès qu’il trouve un atelier, c’est terminé.
Vingt ans plus tard, en 1926, Constantin Brâncuși se trouve dans son atelier : il se tient dans différents endroits pour se rendre compte de l’effet visuel de ses œuvres sous différents angles de vue. Il prend en photo son œuvre l’Oiseau dans l’espace. Marthe Lebherz, surnommée Tonton, entre dans l’atelier et lui demande ce qu’il cherche, à mitrailler le même oiseau depuis des heures : s’attend-il à ce qu’il s’envole ? Il répond qu’effectivement, il cherche l’envol, il cherche l’espace autour de l’oiseau. Cet espace autour qui lui permettra de prendre son envol. Il lui demande de se rapprocher et de danser pour lui, de danser autour de l’oiseau, pour lui montrer l’espace autour, pour lui montrer l’envol. Il lui explique que le vieux Rodin l’a bien fait lui. C’est l’espace qu’il sculptait avec ses danseuses. Il se souvient du nom qu’il donnait à ses dessins : Vol, L’envolée, Aviation, Aéroplane, Ardeur du ciel. C’est donc bien d’envol qu’il s’agit. Marthe lui répond que ça fait longtemps qu’elle ne danse plus assez, qu’elle n’a plus le talent. Elle lui suggère de demander à Lizica : elle est très douée, avec elle son oiseau s’envolera. Elle sort, Constantin s’assoit et considère ses œuvres. À New York, Marcel Duchamp contemple les gratte-ciels, en fumant une cigarette, pendant que les passants circulent autour de lui, et que le flux d’automobiles s’écoule. Il se rend à la galerie Brummer où doit se tenir une exposition des œuvres de Brâncuși l’hiver prochain.
Dans un premier temps, le lecteur peut être déstabilisé. L’auteur a fait le choix d’une structure narrative dans laquelle les passages consacrés à Constantin Brâncuși en France tiennent plus d’importance que le procès aux États-Unis, auquel il n’est donc pas présent. Il vaut donc mieux que le lecteur soit familier de l’enjeu du célèbre procès Brâncuși contre États-Unis pour pouvoir apprécier pleinement l’intention de l’auteur dans les passages qui précèdent l’ouverture des auditions, le procès ne commençant qu’en page quarante. L’enjeu porte sur une œuvre d’art intitulé l’Oiseau dans l’espace, une sculpture de plus d’un mètre de haut, mince, fuselée et polie comme un miroir. En apparence un objet manufacturé, mais présentée par son créateur comme une œuvre d’art. Ainsi chaque scène, relatant le procès ou relatant la vie de Brâncuși, participe à éclairer une facette des questions soulevées par ce procès. Quels sont les critères pour juger de la notion d'œuvre d'art ? Qui peut être qualifié d'artiste ? Qui est juge en la matière ? Avec cet enjeu en tête, le lecteur se trouve plus à même de comprendre l’intérêt de certaines scènes. Par exemple, la séquence d’ouverture dans l’atelier d’Auguste Rodin (1840-1917) peut sembler ne servir qu’à établir la volonté d’indépendance de Brâncuși, l’origine de son questionnement et de son travail sur la représentation du mouvement. Puis survient l’ellipse de vingt ans pour arriver directement aux prémices du procès. Cependant, cette scène montre également un travail de fabrication et de reproduction de parties de sculptures, par moulage, déjà une forme d’industrialisation et de reprographie d’une œuvre d’art qui perd ainsi son unicité.
Dès la couverture, le lecteur peut avoir un aperçu des caractéristiques des dessins : pas de traits de contour systématiques, des contours qui peuvent comporter une part de flou dans la façon d’apposer les couleurs, un visage avec seulement un point pour les yeux, une bouche invisible derrière la barbe, mais des rides pour attester de l’âge de Constantin Brâncuși (1876-1957), cinquante ans au moment du procès. La deuxième de couverture et la page en vis-à-vis accueillent une unique illustration monochrome, toute en ombre chinoise. Puis vient un dessin qui montre le sculpteur mettre le couvercle sur la caisse contenant l’Oiseau dans l’espace, pour son voyage transatlantique, vu en légère élévation : le sculpteur tenant le couvercle, la caisse avec la sculpture à l’intérieur, deux caisses fermées sur la gauche, une sculpture enveloppée dans du tissu avec une corde sur la droite, une longue scie, un marteau, une boîte de clous et deux planches, le tout sur un fond vierge tout blanc. En page sept, une grille de neuf cases de taille identique, disposées en groupe de trois sur trois bandes : des formes de statues de Rodin, une danseuse, avec un contour un peu imprécis et des couleurs qui ajoute à la difficulté de lire les formes. En page treize, les cases sont réalisées en couleur directe, sans trait de contour, avec une simplification des formes qui évoque par certains côtés des collages de papier découpé. Lors de la scène dans l’atelier entre Tantan et Tonton, le dessinateur passe en trichromie pour des contrastes très prononcés.
Tout du long de l’ouvrage, le lecteur remarque ces effets esthétiques variés en fonction de la nature de la séquence : silhouettes caricaturées lors de la visite à la Galerie Brummer, cases sans bordure avec uniquement la robe de Lizica Codreanu en train de danser, page sans texte (vingt-six au total) ou avec un unique phylactère pour une dizaine d’autres, quelques dessins en pleine page, le sculpteur en noir & blanc avec un trait de contour plus gras au milieu de personnages en couleur pour faire ressortir sa solitude et sa déconnexion par rapport à son environnement, experts en train de déposer au tribunal sous forme de buste avec du texte rattaché uniquement par un trait sans contour de bulle et le tout sur fond blanc, Brâncuși perché au sommet de son œuvre la Colonne sans fin ou Colonne de l'infini (inaugurée à Târgu Jiu en Roumanie), dessins en noir & blanc en page cent-deux pour la dernière lettre de Marcel Duchamp, bichromie pour la dernière séquence avec Brâncuși assis sur une plage du Nord, etc. L’artiste sait jouer avec les formes de mise en scène, de découpage, de rendus, tout en maintenant une unité cohérente du début à la fin, remarquable.
Le titre annonce donc l’objet : le procès qui a opposé le sculpteur au gouvernement des États-Unis pour la qualification de ses œuvres. Art ou produit industriel ? Le lecteur assiste donc aux dépositions et aux interrogatoires d’Edward Steichen (photographe et peintre) interrogé par maître Higginbotham, de Jacob Epstein (1880–1959, sculpteur américain), de Forbes Watson (rédacteur en chef de la revue The Arts), de Brâncuși accompagné de Fernand Léger (1881-1955) à Paris, de Robert Ingersoll Aitken (1878-1949, sculpteur américain), de Thomas Hudson Jones (1892-1969, sculpteur), puis des secondes auditions de Steichen, d’Epstein, de Jones, et enfin du verdict du juge J. Waite.
L’enjeu apparaît clairement : officialiser réglementairement le fait que l’art n’est plus figuratif mais qu’il a déjà commencé à explorer bien des territoires conceptuels très éloignés de l’Homme de Vitruve (1490) de Léonard de Vinci (1452-1519). Au cours des pages consacrées au procès, le lecteur sourit en voyant comment les avocats ont toutes les peines du monde à établir la légitimité des intervenants, à justifier que leur avis fait autorité dans le monde de l’art, et qu’ils puissent donc être considérés comme une référence incontestable permettant de statuer sur la nature de l’Oiseau dans l’espace. Cela peut lui faire penser à la manière dont certains artistes contemporains sont qualifiés de tels par des experts dont les intérêts peuvent parfois être plus pécuniaires qu’esthétiques. Par la force des choses, un lecteur du vingt-et-unième siècle connaît déjà le verdict et a pu contempler des œuvres d’art bien plus conceptuelles que la sculpture objet du débat : il sourit donc devant des propos réactionnaires sur l’art car ça fait bien longtemps que l’art s’est libéré des préoccupations représentatives et de l’imitation de la nature. Il relève également le nombre d’artistes fréquentés par Brâncusi lui-même : Auguste Rodin (1840-1917), Marcel Duchamp (1887-1968), Erik Satie (1866-1925), Fernand Léger (1881-1955), Alexander Calder (1898-1957, sculpteur et peintre), Emmanuel Radnitsky (1890-1976, dit Man Ray, photographe). L’originalité et la force de cette bande dessinée est de mettre en scène le sculpteur tout du long, de montrer d’où lui vient ce projet de montrer le mouvement, de le regarder s’interroger sur son art, de le voir considérer des objets fabriqués dans une usine et de les rapprocher de ses propres productions sondant ainsi la porosité de la frontière entre l’art et la production de masse, ou plutôt ce qui sera plus tard qualifié de design.
Constantin Brâncusi est considéré comme ayant poussé l'abstraction sculpturale jusqu'à un stade jamais atteint ayant ouvert la voie à la sculpture surréaliste, ainsi qu'au courant minimaliste. Arnaud Nebbache raconte le procès qui a opposé le sculpteur au gouvernement des États-Unis, mais pas seulement. Il met aussi en scène l’artiste dans son quotidien, avec tout ce qu’il a d’extraordinaire, dans sa recherche artistique avec tout ce qu’elle a de pragmatique. La narration visuelle possède une forte personnalité, adaptée pour les dépositions presque dépersonnalisées, ainsi que pour les moments de la vie quotidienne et ceux de réflexion de l’artiste, avec une cohérence esthétique épatante du début à la fin, tout en faisant preuve de variété.